« La véritable question est de savoir ce que méritent les mineurs, c’est à dire les enfants et les adolescents. Au mois de juin 2007, une campagne publicitaire apportait à cette question une réponse partielle, mais parfaitement claire, et exceptionnellement symptomatique : les enfants méritent « mieux que ça ». Ça désignaient leurs parents et leurs grands-parents : ils méritent Canal J, disait cette campagne – Canal J étant une chaîne de télévision spécialisée dans la conquête de cette tranche très importante de l’audience (c’est à dire du temps de cerveau disponible) que sont les mineurs. Cette « tranche », c’est à dire ce que l’on traite comme tel, en découpant les générations en de telles tranches qui sont aussi des cibles, et non en y distinguant des âges dont il faut prendre soin, cette tranche est très importante dans le système des audiences et de leur segmentation : elle est devenue prescriptrice, et ce, par une inversion générationnelle qui est le signe le plus évident de la véritable ruine de l’éducation à quoi a conduit le marketing télé-visé de la société de consommateurs. Cette « tranche » des êtres mineurs est devenue prescriptrice des comportements de consommation des « tranches » supposément adultes, mais qui s’en trouvent en réalité infantilisées, c’est à dire de moins en moins responsables et du comportement de leurs enfants, et de leur propre comportement, prescrit par ces enfants dont ils n’ont plus tout à fait la responsabilité : de tels adultes sont devenus structurellement mineurs – et il en résulte que c’est la majorité en tant que telle, pénale aussi bien que démocratique qui semble avoir disparu. »
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